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{tribune | 2}
Sommes-nous citoyens du monde ?
Au regard des récents évènements relatifs à l'afflux massif de réfugiés syriens aux portes de l'Europe, et compte-tenu de la posture adoptée tant par une partie de la population que par la classe politique, les contradictions se font plus flagrantes.
En transition entre nos sociétés patriotiques et nationalistes de concurrence et de conquête et une société mondiale de partage et d'échange, nous, citoyens, semblons avoir perdu nos repères.
Pris dans un conflit mondial déclaré officiellement voilà un an, opposant une alliance bicéphale menée par les USA et la Russie, et un gouvernement extrémiste prônant l'anhilation de notre civilisation, nous faisons face à notre plus vieux démon : la xénophobie.
[La tolérance du racisme :
http://www.liberation.fr/societe/2015/04/09/une-france-trop-toleranteavec-le-racisme_1238084]
1/ "L'enfer c'est les autres"
Rôdant entre nos jambes depuis plus d'un siècle, enfouie après l'horreur de la Seconde Guerre Mondiale, ses collaborations et ses crimes contre l'humanité, la xénophobie s'est insinuée dans nos discours et dans nos idées, au point que lorsque l'on nous demande de tendre la main aux démunis, qu'ils soient "de chez nous" ou qu'il fuient la guerre, nous nous rétractons, nous renâclons et nous nous offusquons : "mais et nous alors ? que va-t-il advenir de nous ?".
Que l'on fasse installer du mobilier urbain "anti SDF" (car ils gênent vous comprenez, c'est pour notre sécurité) ou que l'on dresse des barbelés pour empêcher les demandeurs d'asile de passer nos frontières, c'est le même sombre travail, c'est la même gangrène, c'est la xénophobie qui gagne sur notre bon sens.
["Terre d'accueil"
2/ Le paradoxe
Dans le même temps, nous, Défenseurs des Droits de l'Homme, Pourfendeurs de Tyrans, Grandes Âmes Charitables, hurlons à la mort et signons des pétitions en lignes pour libérer des otages, crions à la victoire quand on abat un dictateur et réclamons notre crédit d'impôt pour les quelques euros que nous avons donné aux ONG qui arpentent nos rues...
Tout cela n'est-il qu'une vaste farce pour camoufler notre égoïsme et notre peur ?
Mais personne n'est à blâmer... Le paradoxe est inhérent à notre système. C'est ainsi que nous vendons des armes de la main gauche, et appelons à la paix de la main droite.
[Vendeur d'armes
http://www.europe1.fr/economie/ventes-darmes-2015-une-annee-record-pour-la-france-2522917]
3/ "Les Hommes naissent libres et égaux..."
...selon où ils naissent. Car il semble bien que les Droits de l'Homme ne s'appliquent que quand bon nous semble. Aussi lorsque l'Arabie Saoudite est nommée à la présidence du Conseil consultatif sur les Droits de l'Homme à l'ONU et que dans le même temps elle condamne à mort par crucifixion ou décapitation le fils d'un opposant déjà exécuté, arrêté adolescent pour avoir manifesté avec des milliers d'autres pendant le Printemps Arabe; c'est au nom des Droits de l'Homme et de la Liberté que l'Occident crie au scandale et se mobilise.
Mais lorsque des réfugiés syriens demandent asile fuyant la double menace d'un régime tyran et d'extrémistes religieux, on réfléchit, on hésite, on débat. L'Allemagne donne l'exemple. La France exprime sa mauvaise volonté. La Hongrie crie sa haine. Qui sont-ils ? Que nous veulent-ils ? Sont-ils tous des terroristes en puissance ? "Sommes-nous pauvres chrétiens à nouveau en proie aux invasions barbares ?"...
Et pourtant les mêmes syriens il y a quelques semaines provoquaient l'émotion lorsque l'on partageait, diffusait, recopiait et "likait" la photo d'un jeune enfant mort sur la plage où son embarcation de fortune l'avait amené. Et cette photo, si choquante, si irrespectueuse pour cet enfant mort indécemment exposé aux regards de tous, était qualifiée d'émouvante, de poignante... Mais combien d'enfants africains et maghrébins meurent en mer chaque jour, tentant de joindre l'Europe ? Quelle émotion a-t-on pour eux ?
Pourquoi s'offusque-t-on de voir des photos d'adultes morts et nous enthousiasmons-nous pour ce cliché d'enfant ?
Aylan n'est pas un chiot. Le partage de cette photo n'est que voyeurisme et curiosité morbide. C'est un jeu malsain qui vise à faire réagir en faisant culpabiliser, car qui oserait ne pas ressentir de peine à la vue d'un enfant mort ?
[Aylan
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/dessin-charlie-hebdo-aylan-pour-les-nuls/]
4/ Le socle d'une société
Notre société occidentale s'est bâtie sur deux courants fondamentaux : la pensée chrétienne qui anime seule l'Occident pendant plus de mille ans, et la pensée des Lumières qui transforme nos codes de société et nos classes sociales depuis le XVIIIème siècle.
Ces deux courants portent en eux les bases fondatrices de notre société, de notre culture et de notre morale. A leur racine on trouve les notions de charité et d'égalité, de liberté et de fraternité. Orgueilleux on a alors même parlé de droits universels.
Nous défendons et partageons ses droits à travers le monde.
Aujourd'hui pourtant la fraternité n'est souvent qu'une devise, la liberté est contenue, l'égalité est relative et la charité n'est qu'un souvenir.
Devant notre incapacité à agir selon nos propres principes, il est temps une bonne fois pour toutes de faire un choix : nous pouvons déclarer officiellement que tout ça, les droits de l'Homme, la charité, c'est du passé et que nous agissons aujourd'hui selon nos propres intérêts, chacun pour soi et que le meilleur gagne ; ou prouver que ces valeurs sont les nôtres et qu'elles passent avant tout, utiliser ce tournant de l'Histoire pour tendre les bras à ceux qui en on besoin, ne plus exclure personne et corriger nos torts.
Cela ne veut pas dire tout donner à quelques réfugiés, se donner bonne conscience. Cela veut dire faire état de nos capacités, identifier nos inconsistances et aider ceux qui en ont besoin. Aider les nôtre, aider les leurs, car si nous sommes citoyens du monde, il n'y a pas de différence.
[Liberté, Egalité, Fraternité
http://www.1jour1actu.com/info-animee/devise-france-liberte-egalite-fraternite/]
5/ La haine par la haine
Mais c'est dans ce contexte terrible qu'est advenu la plus terrible attaque depuis plusieurs années en territoires occidentaux. Les 130 morts du 13 novembre ont résonné comme un glas, la fin d'une insouciance qui persistait malgré les signaux alarmants et les attaques répétées.
Alors que les citoyens du monde entier, quelque soit leur langue, quelque soit leur foi et quelque soit leur couleur s'unissaient dans un message d'amour et de solidarité ; et tandis qu'ailleurs dans le monde, à Beyrouth notamment, on continuait de mourrir dans une pseudo-indifférence mondiale ; nos gouvernements ont choisi un moyen de répondre à la haine exprimée par les terroristes.
Cette réponse c'est la haine. A la violence la violence. Et dans une démonstration de force aussi précipitée qu'inutile à ce qu'il en apparait aujourd'hui, la France portant l'attaque avec le soutien de toute la coalition internationale c'est enfoncée un peu plus dans un conflit sans limites et sans règles.
[Attaque en Syrie
6/ L'abdication des libres
Portée par ce climat délétère, entretenu aussi bien, si ce n'est plus, par le gouvernement français que par les terroristes, la xénophobie a fait place nette et pris ses aises.
Faisant feu de tout bois, sur la lignée de ces actions précédente le gouvernement français de Manuel Valls sous l'oeil de chef de guerre du Président Hollande ont étendu l'état d'urgence, autorisé les préfets à toutes les exactions envers des suspects aussi variés qu'innocents, et finalement fait le jeu de leurs ennemis.
Cette haine distillée dans les esprits des citoyens français, cette peur gonflée et encouragée a amené les électeurs de plus de 20000 communes sur 36000 en France a placer le FN en tête du premier tour des élections régionales.
Plaçant aux mains d'extrémistes notoires, fondant leurs prêches sur la xénophobie, le pouvoir régional, nous avons semble-t-il abdiqué.
Un abandon que nombre d'autres citoyens libres semblent prêts à faire aux Etats-Unis avec Donald Trump, en Russie avec Vladimir Poutine, ou encore en Allemagne avec le parti néo-nazi.
Alors les terroristes auront gagné. Car une fois armés jusqu'aux dents et privés de nos libertés pour la sécurité de nos nations, nous auront détruits de nos propres mains ce qu'ils voulaient voir disparaître.
[20000 communes
S'il y a une citoyenneté du monde, il est temps que nous l'embrassions avant de la perdre à jamais.